« Ce n’est pas pour nous », « on ne gagnera jamais », « ce n’est que pour les grosses organisations »… Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure du Trophée Direction[s], nous n’y croyions pas trop. Mais en tant que directrice, il m’importait de valoriser le travail de l’équipe : nous n’avons pas souvent l’occasion de dire quand cela va bien et que nous sommes fiers du travail accompli. Cette mention lors du 13e Trophée Direction[s] a ainsi permis une reconnaissance à plusieurs niveaux. D’abord, en termes de management, cela a été un temps fort de partage et de réflexion commune en remettant au centre des préoccupations les pratiques professionnelles au service des personnes. Ensuite, cela a permis aux personnes accompagnées de se sentir reconnues pour ce qu’elles sont, non pas sur le manque qu’elles ont. Cela donne aussi des idées, des envies à d’autres. Cette récompense ouvre une porte sur les possibles, sur l’imagination, sur le rêve. Nous pouvons créer des accompagnements avec les personnes et être reconnus par nos pairs.
Nous voilà donc sélectionnés et invités à Paris ! Quelle improbable nouvelle ! Qui vient ? Qui parle ? Très vite l’évidence arrive. Sans les professionnels mais aussi les personnes concernées, cette aventure du domicile collectif n’aurait pas démarrée. C’est une aventure construite ensemble, nous y allons ensemble, tous ensemble. La directrice et la maitresse de maison faisant faux bond pour maladie, les personnes et les éducatrices partent en voiture et en profitent pour faire une journée parisienne avec visite de la tour Eiffel. Nous sortons de la routine et des sentiers battus, nous allons à Paris ! Toute l’institution est en émoi ! Pour la cérémonie, les résidentes ont acheté des vêtements neufs, sont allées chez le coiffeur : ce n’est pas tous les jours que l’on est reçu à Paris pour ce que l’on est et ce que l’on fait, surtout lorsqu’on est en situation de handicap intellectuel.
Durant la cérémonie, beaucoup d’émotions mais aussi de pressions : prendre la parole, recevoir le prix. Le chef de service remplace la directrice et monte sur scène avec le président. Etre président, c’est aussi pour les bons moments, ceux qui donnent un sens à cet engagement bénévole. Constance, une des locataires, ne lâchera pas le prix durant toute la cérémonie et lors du voyage retour. Il est aujourd’hui accroché au mur de l’appartement. Cet appartement donne envie à d’autres personnes. Cela nous oblige à penser et nous voilà sur une nouvelle aventure pour fin 2019.
Le retour de Paris fait aussi parti de l’aventure : sept heures de route sous la neige et de nuit. Les salariés se relayent pour conduire, les personnes accompagnées, épuisées mais heureuses, somnolent. Mais la récompense, ce n’est pas que le voyage à Paris. C’est également la rencontre avec les journalistes venus passés une journée de reportage avec nous. C’est raconter qui nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous écrivons*, ce que nous pensons. C’est ensuite attendre le numéro où l’article est publié, le transmettre aux personnes, aux familles, aux partenaires, aux administrateurs qui nous ont soutenus. C’est dire que, même loin de Paris, même en étant une petite association mono-établissement, nous avons cette combativité et cette créativité au service des personnes. C’est avant tout une belle aventure humaine où la différence a échappé au quotidien.
*« Etre directrice d’un établissement médico-social, entre dignité et handicap intellectuel, un mariage incontournable », Audrenne Henke, ED L’Harmattan. 2018.
Audrenne Henke, directrice